Justice pour Nicous Spring
Note sur le contenu : le texte qui suit aborde la brutalité policière, le meurtre et le racisme anti-noir.
Nicous D’Andre Spring, 21 ans, a été illégalement emprisonné à la prison de Bordeaux, à Montréal, le 24 décembre 2022, où des gardiens ont couvert sa tête d’un masque anti-crachat et l’ont aspergé de gaz poivré à deux reprises, aboutissant à son décès. Nicous a été détenu par la police de Montréal le 20 décembre, et transporté à l’hôpital le 24 décembre où il est décédé, succombant aux blessures physiques que les gardiens de prison lui avaient infligées. Un juge avait ordonné sa libération de l’établissement de détention le jour précédent.
Nicous était aimé par sa famille, ses ami·es et ses adeptes qui le connaissaient sous le nom d’artiste YK Lyrical. Il était poète, adorait écrire et travailler ses textes avec ses mentor·es. Il avait seulement 21 ans. Il entretenait des espoirs pour son avenir, des rêves et des objectifs pour sa vie au-delà de la nuit du 24 décembre 2022 ; mourir trop jeune pour les réaliser n’était pas dans ses plans. L’expérience à laquelle Nicous a eu droit à la fin de sa vie était inondée de peur. Malgré les efforts déployés par le système de justice pénale pour le dérober de son humanité, Nicous était un jeune homme qui méritait d’être protégé et qui s’est battu pour sa vie en vain.
Nicous n’avait pas à être bon, poli, convenable, éloquent, docile ou gentil pour être digne de sa vie. Il n’était pas « l’un des bons » parce qu’il était un écrivain de talent qui passait sa vie à travailler avec sa communauté. En réalité, il était précieux simplement parce qu’il était un jeune homme noir, un humain qui méritait tellement beaucoup plus de soin que ce à quoi il a eu droit.
Ceci n’est malheureusement pas une nouvelle atypique. Pour beaucoup d’entre nous, c’est un événement trop familier. Il s’agit d’une expérience répétitive, continuelle et profondément traumatisante pour la communauté noire, et pour toutes les personnes qui comprennent le sérieux émotionnel et politique de cet attentat.
C’est normal de se sentir impuissant·e face à une tragédie impliquant une telle injustice. Nous n’avons cependant pas à y faire face seul·es. Nous pouvons, collectivement, nous faire de l’espace les un·es pour les autres, prendre tout le temps nécessaire pour nous reposer, et lorsqu’on sera en mesure d’accéder à la force nécessaire, nous pouvons continuer à revendiquer les énoncés suivants comme des vérités indéniables qui nous guident et nous recentrent lorsque nous nous mobilisons pour la justice :
Les systèmes des prisons, de la police et de la justice pénale ont été créés précisément pour opprimer et réprimer les personnes noires, autochtones, racisées et les autres vies marginalisées. Ces systèmes réalisent donc leur fonction prévue. Les personnes responsables sont celles qui œuvrent au maintien d’établissements conçus pour contrôler, assujettir et assassiner quiconque étant marqué·e comme une menace au projet toujours en cours que sont la suprématie blanche et le colonialisme dans ce pays. Ces personnes font partie d’un système qui permet à ses opérateur·rices d’agir sans culpabilité ou responsabilisation face aux vies qu’iels détruisent. Il s’agit d’une vérité qui traverse l’histoire et qui persiste à ce jour. Dans un système où la justice et l’amour triomphent, le meurtre de Nicous Spring ne se serait jamais produit parce que chaque personne croisée sur sa route aurait constaté la beauté qu’il incarnait et l’aurait perçu de la même manière qu’elles perçoivent leurs êtres chers : en tant que personne complexe, gentille, nuancée et brave.
Nicous nous a été enlevé d’une façon qui s’apparente aux décès de personnes dont nous prononçons les noms afin d’alimenter nos mouvements (ex. George Floyd et de nombreux·ses autres) ; des personnes dont les noms se sont maintenant transformés en hashtags afin de représenter la lutte nécessaire pour la libération noire et donc la libération de tous·tes. Nous cherchons toutefois à garder en tête et à exprimer, par notre langage, que Nicous ne « représente » pas quoique ce soit d’autre que sa propre vie et ses propres désirs. Il était un jeune homme avec une force vitale qui lui a été violemment dérobée aux mains d’un établissement fondamentalement et systémiquement raciste, suprémaciste blanc, capitaliste et patriarcal. Il ne représente ni le système ni l’échec d’un système à l’endroit de sa communauté. Le système dans lequel nous vivons peut très bien se représenter lui-même. Ce même système nous a forcé·es à utiliser les noms des personnes que nous aimons à titre de preuves de la violence que l’on subit. Si nous devons absolument pointer le doigt vers des personnes qui représentent le système de justice pénale de Montréal, nous pouvons nous tourner vers les agent·es qui ont illégalement détenu et assassiné Nicous D’Andre Spring. Nous ne voulons pas remplir des pages de mentions de personnes noires qui reposent maintenant en puissance. Nous ne sommes pas responsables de ce qui s’est passé et nous ne voulions pas de cette tragédie. Elle nous a été imposée.
Questions & énoncés pour les personnes en position de pouvoir :
Combien d’autres vies devons-nous perdre avant que le gouvernement et les politicien·nes qui le représentent agissent, en réaction à ces meurtres violents ? Qui devra à nouveau perdre un être aimé avant que des gestes soient posés pour assurer que les vies noires ne soient plus déraisonnablement perdues aux mains de la violence étatique ? Quelle quantité d’argent additionnelle sera accordée au système de justice pénale avant que l’on accepte que les vies noires ont besoin de plus de soins et non de plus de surveillance ?
Fini les corps maltraités sur des terres volées.
Fini le deuil perpétuel.
Fini la destruction violente d’espoirs et de rêves.
Devant un système qui demeure en silence face aux revendications, nous élèverons nos voix… Ceci est un appel à la justice.
Pour la communauté :
Nous devons maintenant nous tourner vers la communauté pour faire ce que le système refuse de faire. Pour valoriser la vie de Nicous, contrairement aux personnes qui l’ont si violemment détruite. Pour prendre soin les un·es des autres et pour se soutenir avec amour pendant cette période de deuil profond. Quand vous pensez à Nicous, pensez à votre chanson préférée, ou au plus beau poème que vous avez lu de votre vie et sachez que sa vie, c’était ça et tellement plus. Nous n’oublierons jamais Nicous. Nous pouvons seulement le décorer de couronnes de grâce et de tendresse dans notre imagination, dans l’espoir de lui offrir ce que toutes les jeunes personnes noires méritent : l’amour et la justice.
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Joignez-vous lors de la marche qui se tiendra ce vendredi 10 février à 13 h devant le Portail Roddick de l’Université McGill (15A rue Sherbrooke Ouest) afin de demander la justice pour Nicous. Plus d’informations ici.
On vous invite à donner au GoFundMe créé pour soutenir sa famille.
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Cette déclaration a été rédigée par deux membres noires du personnel, Kathleen et Blain.
À deux mains appuie cette déclaration.
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Pour une liste de ressources en santé mentale, cliquez sur ce lien :
BIPOC Mental Health resource list
Si vous êtes en état d’arrestation ou sur le point d’être interrogé·e par la police et avez besoin d’un·e avocat·e criminaliste de façon urgente, veuillez contacter le service « Avocat d’urgence » du Barreau du Québec au 514-954-3444. Ce service est accessible 24 h sur 24, 7 jours sur 7.
Pour une liste de ressources juridiques, rendez-vous au headandhands.ca/programs-services/services-juridiques/.